C'est à nous la pirogue

C’est à nous la pirogue
Je vous propose une série réalisée à Saint louis du Sénégal. Il s’agit d’un travail commencé en 2007, que j’ai repris au cours de l’hiver 2022/2023.
Jadis abritée l’ancienne cité coloniale de saint Louis subit depuis 15 ans les assauts de l’Atlantique qui s’engouffre à l’embouchure du fleuve Sénégal.
Ce travail en cours, s’articule autour de deux axes : le patrimoine colonial de la ville et les conséquences de l’érosion côtière du au changement climatique sur le village des pécheurs ainsi que sur la ville en général.
Au village de Guet Ndar, incroyable favela maritime de 25 00 habitants et 40 000 pirogues , les Lebous continuent de pratiquer une pêche artisanale mais l’érosion côtière détruit peu à̀̀ peu les maisons les plus proches de la plage malgré́́ la construction d’une immense digue de 6 mètres de profondeur et de 3,5km de long construite par Eiffage avec l’aide de la banque mondiale laquelle s’effrite déjà̀̀. J’y suis allée pour la première fois en 2007 puis fin 2022 et j’ai constaté́ que tous les effets toxiques de la mondialisation étaient ici réunis : Surpêche, dérèglement climatique exploitation des hydrocarbures.
Le poisson était autrefois débarqué le soir sur la plage, il faut désormais remonter le fleuve et décharger sur de nouveaux quais construits à cet effet.
La mer, nourricière est vidée de ses poissons. Les hommes doivent partir en Mauritanie à 200 km pour trois jours dans de conditions difficiles et précaires. Le nombre d’autorisations délivrées est très insuffisant par rapport au nombre de pirogues. Beaucoup d’entre elles partent clandestinement de nuit de la plage sans observer les consignes de sécurité́ règlementaires.
Les familles vivaient très soudées entre ciel et mer. Les journées étaient cadencées au rythme des marées : le départ des hommes, le retour des bateaux, le nettoyage et la vente des poissons par les femmes, l’essentiel du travail et de la vie quotidienne se faisait à partir de la plage.
Pour les 300 familles déplaces à 10KM de là dans le village de tentes de Diougop sans eau courante ni électricité et sans moyen de transport organisé, le rythme est différent : les pêcheurs doivent prendre la route pour se rendre au quai de pêche souvent la nuit.
Seules restent sur place les femmes et les enfants ; l’eau potable vient à manquer et lors de mon passage cela faisait trois mois qu’il y avait des difficultés d’approvisionnement ; ce relogement devait durer quatre ans, on en est à huit et il est prévu de le pérenniser chaque tente devant entre remplacée par une maison. Aussi certaines familles préfèrent retourner à̀ Guet dar bricolant ce qui reste de leur ancienne habitation.
...Et toujours plus nombreuses les pirogues partent vers l’Europe.... Par mes images j’essaie de vous faire partager la vie de ce village en laissant entrevoir combien les femmes, majestueuses reines du quai enfermées dans des taches très traditionnelles, en sont les gardiennes : gardiennes de la vie quotidienne, gardiennes de l’eau potable, gardiennes de la vie économique. A Guet Ndar la vie continue...
Je vous propose un voyage centré sur la couleur et la prolifération des motifs.
Travail en cours effectué en argentique puis avec un Fuji XH 1
Catherine GRISS
30 octobre 2023